Après la terrible redescente de Sérotonine, Michel Houellebecq sort son nouvel opus : Anéantir, tout un programme.... 700 pages de Michel, franchement, de prime abord, il y a moyen d'hésiter. Mais l'ouvrage est beau : une édition bien reliée, cousue, avec une couverture cartonnée, un beau signet rouge, un papier ivoire soyeux et une belle typo. Michel a insisté, et il a bien fait. Plutôt que d'avoir des cochonneries massicotées-collées à la va-vite, on a enfin un livre qui ressemble à autre chose qu'une vilaine pile de feuilles sèches. Par contre c'est imprimé en Espagne. On ne peut pas tout avoir. L'objet est donc agréable mais le contenu alors ?

Le livre ouvert, ça commence mal, évidemment. Une situation politique trouble en prise avec de mystérieux hackers (une piste qui va vite s'évaporer), un directeur de cabinet du ministre de l'économie dont le couple se délite, un ministre perdu, une campagne présidentielle menée par un journaliste aux talents sulfureux... Toute ressemblance avec le climat politique que nous vivons n'est pas fortuit même si le roman se situe en 2025. On en rajoute ? Bien sûr ! Michel n'y va pas avec le dos de la cuillère, non seulement le couple de notre héros est au point mort, mais sa famille prend le même chemin, son père, ancien agent de la DGSI et visiblement pas super sympa, est sur le point de mourir d'un beau cancer. C'est déprimant à souhait, sa sœur est une bigote un peu neuneu et son notaire de mari a perdu son travail (ah oui, il est aussi membre d'un groupuscule fasciste). Heureusement pour eux il y a beaucoup d'alcool. On en rajoute ? Mais oui ! Pour tenter de se remettre en selle, notre "héros" se décide à payer une escort girl. Quelle bonne idée, du sexe tarifé. Et qui est l'heureuse élue ? Sa nièce, si c'est pas formidable, qui fait ça pour se payer ses études. Ah. Cette première partie vous plonge dans la misère moderne : affective, sexuelle, médicale, économique. Tout y est, à peine grossi, ce monde détestable qui est le nôtre et qui fascine Michel dans tous ses romans.

La suite est plus surprenante, au fur et à mesure que le roman avance, curieusement, les choses s'arrangent. Attention, je ne spoilerais personne en révélant qu'il n'y aura pas de happy end, c'est quand même un Houellebecq. Mais oui, tout s'arrange progressivement, le héros renoue avec sa famille, surtout il retrouve sa compagne, il renoue complètement avec elle, dans un mouvement lent et touchant, sexuellement, affectivement, avec une complicité douce et solide. Son père va mourir, il n'y pas de miracle, mais tout semble aller de soi. Même sa sœur devient sympathique. Le récit s'envole, devient presque aérien, l'amertume se dissipe, sans mièvrerie.

Alors faut-il se jeter sur Anéantir ? Complètement. D'abord parce que ça se lit à une vitesse étourdissante. Le cynisme habituel de Michel n'est pas un obstacle à sa lecture. Mais surtout, la lumière au fond du tunnel, qui a pu déplaire à certains critiques qui veulent cantonner son œuvre dans la noirceur crasseuse du monde moderne, est la confirmation que tous les romans de Houellebecq sont tournés vers ce thème universel : l'amour. Ce qui fait tourner le monde, c'est l'amour, sa quête, ses déceptions, sa haine, sa douceur, son réconfort, sa complicité, sa brutalité...

Anéantissez-vous, lisez Anéantir. Et reprenez donc un verre de vin. Et soignez vos amours.

 

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