L'historienne Lucile de Sutter brosse de portrait de l'artiste Ben Vautier.

 

Le C.H.A.T, Cercle des Historien.ne.s d’Art de Toulouse, est un collectif de jeunes chercheurs.ses d’horizons divers et de passions multiples, animés par l’envie de partager des connaissances sur l’histoire de l’art et de soutenir les artistes. Son projet est de mettre en lien le public avec l’art et le patrimoine par des actions de recherche, de valorisation et de médiation, mais aussi de contribuer à la mise en lien de la nouvelle de la génération de chercheurs.ses avec les porteurs de projets culturels locaux.

Ben Vautier
En vérité vous venez de lire ceci

Benjamin Vautier – dit Ben est né en 1935 en Italie, dans la ville de Naples. Après avoir beaucoup voyagé, il s’installe encore enfant à Nice, où il travaille et vit toujours. Héritier d’une famille d’esthète, il devient dans les années 1960 un protagoniste majeur du mouvement européen Fluxus dans lequel de nombreux artistes ont eu pour aspiration principale d’effacer la frontière entre l’art et la vie. Dans une expression la plus stricte de l’adage « tout est art », Ben collectionne, accumule, dissémine de nombreux objets lors de ses expositions. Dans son travail, tout ce qui précède son élaboration l’intéresse davantage que l’œuvre elle-même, il ne garde donc de l’œuvre d’art que l’idée pour en obtenir l’expression plastique la plus épurée possible. Quoi de plus logique que les mots pour exprimer des idées ? Ceux-ci constituent alors l’unique matériau de son fait artistique.

La graphie employée pour ses « tableaux écrits » est significative du style de Ben, simple et ronde, presque enfantine, en contradiction avec le sens de la phrase qui exprime ses doutes, ses questionnements sur l’art et sa propre inscription dans le monde qui nous entoure. L’œuvre En vérité, vous venez de lire ceci a intégré le fonds municipal d’art contemporain de la Ville de Colomiers en 2002, à la suite de l’exposition Jolie attaque pour perdre de l’artiste à Colomiers en 2001. L’artiste n’hésite pas à user d’un soupçon d’impertinence en s’adressant directement au lecteur pour lui énoncer une information qu’il détient déjà. Cette phrase constitue un élément de langage très pratiqué par l’artiste : une tautologie, figure de style dont le sens est d’une évidence telle qu’elle est forcément vraie. Cette apparente naïveté est une manière de se rapprocher un peu plus de la « vérité », quête perpétuelle de l’artiste. La fin justifie les moyens, Ben délivre un message teinté d’humour mais profond et sensé… puisqu’en vérité, vous venez de lire ceci.

                                                                                                          Lucile De Sutter

Texte commandé par le centre d’art au Pavillon Blanc Henri Molina – Ville de Colomiers dans le cadre du Week-end de l’Art Contemporain à Toulouse en 2020 organisé avec le réseau PinkPong