En regardant vers le sud, par temps clair en hiver, lorsque les platanes de l'Allée du Lauragais ont perdu leur feuillage, le technicien chauffagiste qui monte sur le toit du Pavillon Blanc pour régler ses climatiseurs peut contempler la chaîne des Pyrénées. Lointaines mais néanmoins visibles, les Pyrénées à Colomiers manifestent leur présence aussi dans sa toponymie. Plus que l'histoire - la géographie est la principale inspiratrice des noms des rues de la ville nouvelle de Colomiers ; Allée de Bigorre, Allée du Comminge, Allée du Béarn, Allée et place du Val d'Aran...
L'arrivée du Piribus à Colomiers ce 29 septembre dernier, nous a incité à faire le point sur les collections Pyrénéennes du Pavillon Blanc.
Si nos dictionnaires d'aujourd'hui définissent le terme pyrénéisme comme la pratique de l'escalade dans les Pyrénées, le géographe Henri Beraldi (1849-1931) en créant le mot y ajoutait une dimension littéraire et scientifique en le définissant ainsi dans Les Pyrénées (1902) :
« L'idéal du pyrénéiste est de savoir à la fois ascensionner, écrire, et sentir. S'il écrit sans monter, il ne peut rien. S'il monte sans écrire, il ne laisse rien. Si, montant, il relate sec, il ne laisse rien qu'un document, qui peut être il est vrai de haut intérêt. Si - chose rare - il monte, écrit et sent, si en un mot il est le peintre d'une nature spéciale, le peintre de la montagne, il laisse un vrai livre, admirable. »
Les sommets au moins depuis Empédocle (Ascension l'Etna au Ve Siècle avant notre ère) attirent les âmes contemplatives en mal d'élévation. Mais celles-ci doivent composer désormais avec la pesanteur des corps ; corps qui glissent en dévalant les pentes neigeuses, corps suspendus encordés aux parois rocheuses.
Ce n'est pas que l'esprit conquérant n'ait jamais arpenté les reliefs Pyrénéens; on sait ce qu'il en coûta à Roland à Roncevaux d'après l’œuvre fondatrice de la littérature française, La chanson de Roland (XIe siècle) si l'on ferme les yeux sur les libertés que son auteur a pris avec l'histoire Carolingienne. On sait moins qu'au XIIIe siècle un moine Italien mentionne dans sa chronique l'ascension du pic du Canigou par Pierre d'Aragon en 1280. Mais de nos jours, il est significatif que même dans les Pyrénées les aspects sportifs de la montagne soient gérés par le Club Alpin de France. Et encore aujourd'hui, les conquérants de l'inutile lui préfèrent lui préfèrent encore celles des alpes et d'Himalaya. Robert Flematti qui s'y connaissait, n'a jamais vraiment pu convaincre un chamoniard de ce que le Petit Balaïtous n'avait rien à envier au Mont Blanc en matière de sublime.
Flematti, né dans les Alpes italiennes en 1942, avait six ans quand, avec sa maman et son grand frère il passe clandestinement la frontière italienne pour rejoindre son papa émigré dans le val d'Azun quelques années plus tôt. Devenu trop pyrénéen, il ne pouvait convaincre sans soupçons de chauvinisme ; seul un étranger radical pouvait magnifier aux yeux du monde les Pyrénées. C'est un britannique quelque peu excentrique qui s'en acquittera en la personne du comte Henry Russell-killough qui publia en 1908 ses Souvenirs d'un montagnard dont le succès de librairie rejaillis sur l'aura des cimes pyrénéennes. Ce grand voyageur, membre de la société géographique de France, de l'Alpine club et de la Société Ramond (Bagnère de Bigorre) avait déjà publié en 1866 un "guide spécial du piéton", les Grandes Ascensions des Pyrénées d'une mer à l'autre.
Son arrière petite nièce a publié une biographie très documentée de ce personnage haut en couleurs dont les écrits ont donné aux études pyrénéistes leurs premières lettres de noblesse.
Ses hauteurs ne rivaliseront jamais avec les 8000 himalayens: dans ce monde unidimensionnel régenté par les chiffres, ceux-ci ne lui sont pas favorables. Souvenons-nous plutôt que ses montagnes flamboyantes doivent leur nom à leur ressemblance avec un embrasement de l'horizon Aquitain (ou Aragonais), leurs sommets ont des allures de flammes s'élevant vers les cieux : Isidore de Séville dans ses Étymologies (VIe siècle) trouve l'origine de leur nom dans un terme grec (que l'on retrouve dans le mot pyromane par exemple) désignant le feu ou la foudre. Une géopolitique aujourd'hui dépassée par la perspective européenne assignait aux Pyrénées une fonction de frontière naturelle. En réalité, les Pyrénées constituent un monde en soi, un écosystème d'échanges auquel participent une diversité humaine, un panthéon de mythes, toute une faune et une flore dans une topographie complexe qui impose sa singularité en la France et l'Espagne. Autant d'aspects qui vont se retrouver dans la collections de votre médiathèque.
En parcourant dictionnaires et encyclopédies vous survolerez les Pyrénées.
Dictionnaire des Pyrénées
Guide secret des Pyrénées
Copain des Pyrénées
Mais quittons le point de vue d'Icare en redescendant des cieux encyclopédiques pour entrer au plus profond des vallées, là où chaque livre est une porte qui vous ouvre à la rencontre d'une population bigarrée faite de légendes, d'imaginaires, d'ethnographies, de géologies, de zoologies singulières. Nous vous en suggérons avec les vignettes suivantes quelques un parmi les plus inattendus:
Le fait est peu connu mais les aventures du Robinson Crusoé ne s'arrêtent pas à sa solitude forcée sur son île déserte. Lorsque Daniel Defoe permet enfin à son personnage de retrouver la civilisation, nous ne sommes qu'à la moitié du récit de ses aventures. La plupart des rééditions épargnent au lecteur d'aujourd'hui la seconde partie du roman. C'est la raison pour laquelle on sait peu que Robinson traversa la Pyrénées et séjourna brièvement à Toulouse. Ce fait ne pouvait échapper au chauvinisme gascon des éditions Loubatières qui nous livrent tiré à part l'extrait du roman qui donne à voir les Pyrénées avec les yeux de Robinson Crusoé transformé en touriste.
Ce passage par les Pyrénées n'ajouta rien à la gloire de Robinson contrairement à Roland qui fonda le roman en langue française en expirant à Roncevaux. D'autres oiseaux de passage viennent chercher la gloire sur les cols pyrénéens, ce petit livre leur rend hommage.
Les ours slovènes ont replacé les Pyrénées au cœur du débat écologique. Quand il s'est pris à regretter la disparition de l'ours dans les Pyrénées, incapable de faire son deuil de la faute de ses ancêtres, l'homme contemporain ne peut plus se satisfaire de légendes comme celle de Jean de l'Ours ; repus de fictions tels des Don Quichotte écologistes, d'aucuns ont voulu revoir des ours en chair et en os, dans les sous-bois pyrénéens. Fût-ce au prix de la déportation de quelques individus capturés dans forêts de Slovénie. A l'instar des migrations humaines d'Europe de l'est, la présence de ces ursidés expatriés défraye encore régulièrement la chronique nationale sur le journal télévisé de treize heure.
Jean de l'Ours illustré par Pertuzé
Les enfants de Mellba
Histoire de l'ours des Pyrénées par Olivier de Marliave
Le chamois pyrénéen, l'isard est avare d'apparitions. Moins rare cependant que les parutions des livres à son sujet. Ce livre fait entrer sa chasse dans la légende; souhaitons qu'elle y reste en bonne place aux côté d'une des plus fameuses figures de le chasse en Pyrénées : Gaston de Foix.
Mais le légendaire pyrénéen ne se réduit pas aux exploits cynégétiques. Les contes et légendes béarnaises, basques, ariégeoises hantent les étagères des bibliothèques. Dans ce registre, il faut signaler ces curiosités en bandes dessinées: le mythe de Pyrène mis en cas par Jean Pertuzé ainsi que la fable Pyrénée imaginée par Loisel et Sternis.
Jean Pertuzé
Loisel et Sternis
Nous terminerons ce petit florilège pour évoquer un petit point de la planète Terre d'où rayonne sans aucun doute avec le plus d'intensité le mystère du Ciel pyrénéen sur l'ensemble du monde : Lourdes regardé à travers l'objectif de Jean Dieuzaide.
