Féerie Générale par Emmanuelle Pireyre
Dans sa jeunesse, Emmanuelle Pireyre a "suivit des études de commerce qui l'ont surexcitée puis des études de philosophie qui l’ont calmée." C'est elle qui l'écrit sur son site ( https://www.emmanuellepireyre.com/bio/ ). Depuis, elle est entrée en littérature pour "essayer de faire la part des choses" (c'est encore elle qui le dit).
Après avoir lu Féerie générale on n'est guère surpris : elle maîtrise à la perfection et pour notre plus grand plaisir cette sorte de sabir qui transforme la boue en or (pour certains) et le quotidien insipide de l'humanité mondialisée en féerie générale (pour le plus grand nombre). Comme la fourchette met la viande sanguinolente à distance de vos doigts civilisés, le langage de la féerie met à distance des aspects du monde que nous avons cessé de trouvé ragoutants.
Emmanuelle Pireyre a trouvé une forme qui n'est pas un roman (ou alors au sens où nous disons d'une personne qu'elle se fait tout un roman pour dire qu'elle divague) pour nous immuniser des sortilèges d'une langue asservie par les fées chargées de com'. Une forme qui réenchante ironiquement le monde avec le mordant du Flaubert des Idées reçues et du bêtisier de Bouvard et Pécuchet dont cette œuvre est, en quelque sorte une actualisation pour le XXIe siècle.
Dans ses toutes dernières lignes, la rêverie s'achève sur un léger trait d'ombre ; la fourchette dans sa banalité rutilante s'efface devant les pointes d'une fourche de sans-culotte suggérant que les sortilèges de la langue de bois n'endorment peut-être pas éternellement. "La plupart du temps, bien sûr, les traders ne pensent pas aux 7 milliards de personnes qui ne sont pas en train de devenir multimillionnaires. Mais parfois, après une mauvaise nuit, dans un moment de fatigue, ils y pensent et se mettent à créer mentalement ce petit film interminable où les peuples du monde entier sont 7 milliards de personnes avec des fourches."