Une fenêtre sur les rêves : neurologie et pathologie du sommeil d'Isabelle Arnulf (O. Jacob, 2014)

 

Nous rêvons tous et, si nombreux que soient ceux qui ne se souviennent pas de leurs rêves au réveil, enfant, adulte, nous nous souvenons tous avoir rêvé à différents moments de notre plus ou moins longue vie. Le rêve est certainement l'activité la plus étrange de notre psychisme car il se passe à un moment, le sommeil, où nous pensons que notre conscience est abolie ou tout au moins hors du contrôle de notre volonté. Au réveil, le rêveur a souvent la sensation d'avoir été transporté d'un monde vers un autre mais nous avons tous cependant l'intuition que le rêve est un état modifié de notre conscience. Toutes les civilisations n'appréhendent pas le rêve ainsi : pour le peuple Warlpiri d'Australie, le monde du rêve est un monde tout aussi réel que celui que nous réduisons au seul monde réel quand nous sommes bien réveillés et conscients : ils assignent le même degré de réalité à deux mondes que nous ne pouvons qualifier de parallèles puisque ce qui arrive dans l'un produit quelque chose dans l'autre. En Occident, quelques audacieux philosophes ont pu concevoir une idée semblable tel George Berkeley (1685 - 1753) : en philosophie on appelle solipsisme ce type de pensée qui réduit le monde dans sa totalité à une sorte de rêve. Mais le dramaturge espagnol Calderon (1600 - 1681) ne dit pas autre chose dans sa pièce La Vie est un songe, ainsi que Shakespeare, par la voix de Prospero dans La Tempête (vers 1610): "Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil".

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Freud avec la psychanalyse avait introduit dans la vie intellectuelle occidentale un intérêt pour les rêves que la pensée rationnelle leur avait longtemps refusé (peut être à cause de son caractère insaisissable ou parce que ceux qui s'y intéressaient semblaient trop proches d'une sorte de pensée magique : mystiques, devins etc.). Au début du vingtième siècle la psychanalyse pouvait passer pour une sorte de science des rêves et elle a encore conservé cette réputation de nos jours ; comme pour les voyants d'autrefois, le rêve est sujet à interprétation pour un psychanalyste.

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La neurologie, une fenêtre sur les rêves 

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Dans ce livre, Isabelle Arnulf, professeur de neurologie et médecin des pathologies du sommeil fait une synthèse très accessible au grand public d'une autre science des rêves. Celle-ci les étudie sous l'angle des sciences du cerveau qui ont connus des avancées considérables depuis une vingtaine d'années. Ces progrès ont été rendus possibles grâce à des technologies d'imagerie qui permettent d'observer des cerveaux vivants de façon non invasive et non traumatique. Avant ces machines (IRM, électro encéphalogrammes etc.) seule l'observation de l'incidence de lésions du cerveau sur le comportement des patients donnait matière à la compréhension des rapports entre notre vie psychique et notre système nerveux. Ces nouveaux outils n'ont pas vocation a rendre visible les rêves du dormeur sur un écran. Ceci est un fantasme qui n'est en rien un objectif scientifique : même dans le champ artistique, nul n'a pris au sérieux la prétention de Salvator Dali d'avoir représenté ses rêves en peinture.

Cela ne veut pas dire que l'approche neurologique ne se soucie pas du contenu des rêves. Le premier chapitre montre comment on étudie statistiquement des récits de rêves. Ainsi depuis les années 1960, furent constituées des bases de données de rêves (https://www.dreambank.net/ ). Cette approche s'écarte de celle de la psychanalyse et ne vise aucune sorte d'interprétation des rêves. Loin du décryptage d'une signification cachée, il s'agit d'une approche descriptive qui intègre des structures de récit, des contenus sémantiques et des impressions émotionnelles (rêves inquiétants, rêves heureux etc..).

Tout le reste du livre rend compte de l'étude neurologique des rêves. Le chapitre sur l'étude des rêves et le sommeil des moines vous introduira dans l'intimité des abbayes dont la vie nocturne, réglée par saint Benoit depuis le VIè siècle, impose au sommeil des religieux des rigueurs très inégalement supportées par ceux-ci. L'abbé de l'ordre religieux qui a accepté de se plier aux protocoles scientifiques de l'étude du sommeil des moines a souhaité que son ordre et son abbaye ne soient pas nommément désignés dans les publications scientifiques. Par contre il a demandé aux chercheurs qu'ils délivrent avec leurs conclusions, quelques recommandations qui pourraient améliorer leur vie spirituelle. Mais l'étude neurologique des rêves est surtout entreprise à des fins médicales. Vous apprendrez que certaines pathologies du sommeils ne sont pas sans danger pour le dormeur ou ses compagnons de lit : certains cas de somnambulie ont connus des fins tragiques (néanmoins Isabelle Arnulf connaît aussi nombres d'anecdotes très cocasses, sa lecture est souvent très drôle).

 

L'étude neurologique du rêve a permis de faire des progrès dans la connaissance de la maladie de Parkinson (voir vidéo ci-dessous) et permet d'espérer d'améliorer son traitement.

 

 Sur le même sujet (mais d'une lecture plus difficile) :

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