Un livre sur le Pavillon Blanc de Colomiers

 

 

 AlDante

 

 

En 1994, Laurent Cauwet fonde les éditions Al Dante dans les Bouches-du-Rhône. Cette maison de "gestes et écritures indociles" était à peine sortie de l'adolescence qu'elle cessa d'exister en 2017. Encore chaud et remuant de vieux élans situationnistes ayant survécu à 68, le fonds des auteurs Al Dante fut racheté par les Presses du réel en 2018. L'indocilité congénitale de cette maison avait su impliquer la plume acérée d'un Jean-Marc Rouillan, d'un poète turbulent comme Serge Pey ainsi que d'autres comme Jean-Luc Parant, Julien Blaine, Christian Prigent. Dans le même esprit frappeur, la maison rouvrit les tombeaux de trublions comme Antonin Artaud, Guillaume Apollinaire ou Isidore Isou, le pape du lettrisme . En juin 2011, lorsque le Pavillon Blanc ouvrait ses portes, les éditions Al Dante avaient trouvé un second souffle grâce au soutient financier de Rudy Ricciotti. Le grand architecte méridional fut gérant de la maison jusqu'en 2012. Entre temps, cet adepte du geste architectural (indocile) avait sorti de ses cartons le Pavillon Blanc (architectes Ricciotti, Cagnasso, Blamm) tout frais coulé dans son béton autoplaçant à Colomiers. C'est tout naturellement qu'il confia aux éditions Al Dante la publication de cet album de photographies de Lisa Ricciotti qu'accompagne un texte de l'écrivain Jean-Paul Curnier (1951-2017) : Prélude Pavillon Blanc.

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Le Chant du béton

Rudy Ricciotti a solidement implanté son cabinet d'architecture à Bandol dans le Var. En dépit de son envergure internationale, l'architecte éditeur se défend de tout parisianisme.  Sa gouaille a conservé quelques accents de Raimu quand il s'emporte en longues tirades colorées contre l'ordre bureaucratique. C'est que Rudy Ricciotti revendique haut et fort son caractère provençal. D'où, peut-être ce choix de confier à l'arlésien Jean-Paul Curnier cette transfiguration littéraire de l'architecture du Pavillon Blanc. L'espace tout en courbes de la médiathèque, dont le voile de béton tournoie "à la façon d'une muleta de torero" dans le centre de Colomiers, inspire à l'écrivain une longue métaphore musicale des volumes architecturaux. Le texte raconte l'espace en évoquant une suite de références musicales prises dans le rock (Rory Gallagher, …), le free jazz (Art Ensemble of Chicago, …) et la musique répétitive américaine (Philip Glass) que la playlist suivante reconstitue exhaustivement.

"Plus que des idées, c'est de la musique qui m'est venue en tête dès cet instant, comme un  complément naturel, non du bâtiment lui-même, mais de ce qu'il dégage, qu'il exprime ou qu'il suggère". (Jean-Paul Curnier)

 

 Libérer la lecture de la promotion de la lecture

 Cette évocation musicale du Pavillon Blanc n'en oublie pas moins la vocation première de son espace : abriter des collections de livres, de DVD, de CD offerte au libre emprunt du public. Et sur ce point, Jean-Paul Curnier prend un ton qui tranche sur les professions de foi militantes de la lecture publique qui s'oublie bien souvent dans un sorte de prosélytisme bien intentionné. Pour terminer sur ce chapitre, nous citons ces lignes d'une pertinence rare et inspirante :

"Il faut que se soit clair une bonne fois pour toutes: le slogan "encourager la lecture publique" ne signifie rien. Sinon le pire, c'est-à-dire que ceux qui ne lisent pas sont des attardés, des quasi infirmes déficients de l'esprit. Or, lire n'est pas un but en soi, ni une qualité en soi. On lit quelque chose, qu'on aime ou qu'on aime pas, de qualité ou pas, qui vous laisse intact ou pas, que l'on trouve sur place ou par hasard, que l'on cherche ou que l'on découvre; on ne lit pas pour lire. Lire n'est pas un exercice de santé mentale et citoyenne au même titre que la prière chez les croyants et le jogging chez les anxieux de la morphologie fessière.

Plus on cherche à valoriser la lecture, plus on fait fuir les esprits les mieux disposés à la liberté. Il est connu que toutes les méthodes utilisées jusqu'à ce jour pour faire venir les gens à la lecture ne réussissent qu'à les en éloigner ou à confirmer leur aversion première. Une aversion sans doute moins pour la lecture, d'ailleurs, que pour l'image que donnent ceux qui sont censés s'y adonner, ou pour la sensation trouble qui se dégage de ce prosélytisme de service public aux accents de persuasion sournoise et de campagne de redressement des âmes par la culture.

La littérature, comme les autres arts, ne peut que souffrir d'être assimilée à un bienfait en soi. Il y a des gens, parmi ceux qui lisent le plus et qui sont des amateurs infiniment exigeants, qui éprouvent une répulsion radicale pour une très grande partie gens qui lisent. A cause de ce qu'ils lisent, justement. Mais ils n'en éprouvent aucune pour ceux qui ne lisent pas. Lire n'est pas une affaire de morale."

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