Singulier titre pour un album qui ne l’est pas moins. Tout en dessins acérés, en noir et blanc et en bichromie, Roman Muradov, auteur américain, imagine le séjour de trois mois de l’un des fondateurs de l’art moderne du 20è siècle, Marcel Duchamp. On ne sait pratiquement rien de ce qu’a fait Duchamp à Munich. Alors Muradov tout en verve et supputations, réinvente ce séjour et c’est ainsi que le célèbre artiste pris dans le guet-apens d’un groupe de loufoques créateurs, va se retrouver manchot. La perte d’un bras, loin de l’amenuiser va au contraire le pousser à étudier la mécanique d’une prothèse qui l’amènera au fameux « Nu descendant un escalier » et aux tout aussi fameux ready made. Mais avant cela nous serons passés par maintes réflexions aiguisées que Duchamp et même l’auteur de la bd se posent (en gros : « puis-je rajouter quoi que ce soit sur le corpus déjà abondant de la biographie duchampienne ») et maintes discussions assez profondes notamment avec Max Bergman, « le peintre des vaches » blagueur et concupiscent. Mais cela n’empêche pas de pleines pages où les orages obscurs se succèdent à des moments bucoliques, ça parle technique sans que la nature et ses tourments ne soient pas oubliés pour autant.

Que l’on ne s’y trompe pas, nous ne sommes pas face à l’habituelle biographie (dessinée) de peintre, et il faut déployer quelque effort pour saisir les tenants et aboutissants d’un tel projet. Bref, une lecture post-moderne où Duchamp est devenu un endroit, le lieu où l’on peut venir recréer, refaire sa geste devenue légende. Et ici c’est à l’aune d’une ville que se mesure le mythe.

 

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