Le titre très sobre de cette bande dessinée ainsi que sa couverture aux couleurs douces peuvent tromper. C’est plutôt à une véritable saga que l’on va assister en suivant la destinée de la si connue Marie Curie. Et pourtant… De sa situation en tant que simple gouvernante dans sa Pologne natale (et « bien-aimée ») à Paris où elle rencontre son cher Pierre, de sa découverte du radium et du polonium qui la consacre cette fois en tant que scientifique de premier plan, à ses démêlés amoureux dignes d’un soap opéra, voilà une vie où l’intime et la science sont à parts égales.

D’abord nous sommes rassurés: ces scientifiques ont un cœur qui bat, très fort et dans tous les sens. Si Marie est tombée éperdument amoureuse de Pierre et si ces deux-là étaient faits pour s’entendre, s’aimer et découvrir ensemble, cela ne l’empêchera pas, après la mort de Pierre, d’avoir des sentiments pour Paul Langevin qui n’osera pas quitter son confort familial.

C’est l’audace d’Alice Milani, elle-même fille de scientifiques, que de nous raconter en détails et clairement les découvertes des Curie tout en suivant les péripéties de leur vie sentimentale. C’aurait pu être tout en rythme éperdu et en cavalcades. Or Milani prend le contre-pied et ses dessins majoritairement en aquarelles nous prouvent que la passion peut parfois prendre des chemins apaisés.

Par là même, elle nous rappelle qu’une découverte scientifique est un travail collectif, issu de personnes de différents pays mais où chacun apporte son dû à l’édifice. Ainsi les noms de Rutherford, Becquerel, Röntgen et ce cher Langevin ne sont pas oubliés et existent au même titre que notre couple phare. Et autre rappel non moins important : le combat de ces femmes pionnières  pour s’affirmer dans un milieu où leur présence paraissait, au mieux, incongru.

L’héritage Curie se perpétuera encore avec sa fille Irène et son mari Frédéric Joliot qui feront des recherches fondamentales sur la radioactivité artificielle et emporteront là encore le prix Nobel de chimie après les deux Nobel de sa mère (physique avec Pierre et Henri Becquerel en 1903 et chimie en 1911 cette fois toute seule). Cela ne pouvait que créer un mythe qui s’est perpétué jusqu’à aujourd’hui et en bande dessinée avec les formidables Brigade Chimérique et L’homme truqué (Ed. L’Atalante) de Serge Lehman, Fabrice Colin et Gess où les figures des Curie se mêlent à des héros de feuilletons tels que le Nyctalope ou le docteur Mabuse.

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