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L’invention de la vérité. Si l’on ne s’y arrête pas, on croirait à une intention ironique. La vérité serait donc affaire d’invention ?  Marta Morazzoni semble avoir « littéralement » brodé son roman. Mais l’ayant lue, on a compris que l’intention était de magnifier son art : l’écriture. Sur son métier elle entrecroise deux fils narratifs qui alternent sous les yeux du lecteur, en de brèves séquences, deux histoires qui, si l’on prend un certain recul, constituent une sorte de méditation sur la création artistique et la littérature. Un peu d’étymologie fait comprendre au lecteur qu’il est face à une mise en abime de l’art d’écrire. Comme en italien (testo), le français texte dérive du latin textus (tissu) (participe passé du verbe tesso qui veut dire tisser)

Des deux fils narratifs tiré par l’auteur, le premier fil compose l’élaboration de la Tapisserie de Bayeux par la reine Mathilde ; le second fil déroule un séjour à Amiens du critique d’art John Ruskin qui voulait revoir la cathédrale à la fin de sa vie.

 

 

Le Turold de la tapisserie de Bayeux a parois été identifié à l'auteur de La Chanson de Roland.

Dans la Tapisserie de Bayeux, ce petit personnage appelé Turold a parfois été identifié au Turold auteur de la chanson de Roland.

 « On raconte que jadis, … » C’est ainsi que Marta Morazzoni commence à tirer le premier fil en laissant ses sources derrière la brume d’un pronom indéfini. Premier fil d’une première séquence se déroulant dans une vague « cour mineure d’un royaume du nord de la France » où une reine avait convoqué les meilleures brodeuses du royaume.

Puis l’auteur tire un nouveau fil dès le second « chapitre » où se précisent un autre temps et un autre lieu : un matin d’octobre 1879, le critique d’art anglais John Ruskin descend du train en gare d’Amiens.

Entre ces deux fils (ces deux histoires) : deux liens. D’abord Amiens : l’héroïne médiévale du premier fil est une brodeuse venue d’Amiens pour travailler auprès de la reine Mathilde ; ensuite les étoffes : nous apprenons dans le déroulé du second fil que dans La Bible d’Amiens, un texte qu’il publia suite à cette ultime visite, John Ruskin compare l’extérieur de la cathédrale d’Amiens à « l’envers d’une étoffe qui vous aide à comprendre comment les fils produisent le dessin tissé ou brodé du dessus ».

C’est un cliché de parler du gothique des cathédrales comme de la « dentelle » mais ici, Ruskin ajoute une précision qui a visiblement frappé Marta Morazzoni : l’examen de l’envers d’une broderie vous ouvre à une nouvelle compréhension de ses motifs. Au-delà de l’étymologie rappelée plus haut, l’art de broder est couramment rapproché de l’art du roman : une intrigue se noue autour d’une trame puis se dénoue. Avec L’invention de la vérité, l’auteure nous en livre une élégante illustration à la manière d’un grand couturier.

Toujours est-il que l’image trouvée par Ruskin incite le lecteur à fouiller dans le texte de Marta Morazzoni en le retournant dans tous les sens. N’est-ce pas Marcel Proust qui traduisit en français le livre de Ruskin « La Bible d’Amiens » et qui aimait comparer l’ensemble de sa Recherche du temps perdu à une cathédrale ?

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