« Le Roman d’un chef-d’œuvre », la dernière-née des collections des éditions Ateliers Henry Dougier, est une belle idée. Selon le vœu de l’éditeur, par ailleurs créateur auparavant des (belles) éditions Autrement , « …Chaque auteur de cette collection raconte la véritable saga d’un tableau en le mettant en scène à l’époque et dans le lieu où il a vu le jour ».

Les premiers tomes concernent Manet, Hopper, Géricault ou Gauguin. Le volume qui nous occupe aujourd’hui concerne Gustav Klimt où comment passant par mille et un tourments, contradictions il accouche de son Baiser en 1908.

Alain Vircondelet sait mener son récit et entre trois fortes thématiques qui sont le carburant de Klimt, à savoir : les femmes, l’or et le travail, il embarque son lecteur dans la folle époque qu’était Vienne au tout début du 20è siècle. La capitale grouille d’artistes peintres qui se révoltent contre l’académisme, Klimt appartenant au groupe de la Sécession,Art nouveau pointe le bout de son nez. Les écrivains ne sont pas en reste avec le mouvement Jung-Wien (Jeune Vienne) composé, entre autres, de Schnitzler, Zweig ou Von Hofmannsthal. Et si l’on rajoute les grandes figures de Freud, Mahler ou Schubert, le cadre est prêt à imploser…

Cette fournaise intellectuelle convient pour l’instant à notre peintre, présenté ici comme un homme de forte stature (on le compare souvent à un minotaure), toujours décoiffé, mangeant comme dix, faisant l’amour à tous ses modèles féminins mais travaillant sans relâche. Seule Emilie Flöge, grande créatrice de mode, son ange gardien, sa muse platonique trouve grâce à ses yeux et l’on dit qu’elle est le modèle ultime du Baiser.

C’est en découvrant en Italie les mosaïques, les portraits de rois et reines byzantins sublimés par le maniement de l’or des artistes de l’époque que Klimt est illuminé. Il va s’emparer de cette matière et petit à petit ses dessins provocateurs où le sexe cru était plus ou moins présent, où ses femmes étaient assimilées à des « goules, vampires » dévoreuses, vont disparaître au profit de portraits plus apaisés, évoquant un certain idéal. Ne surtout pas prendre cette évolution pour un revirement moral, Klimt ne renoncera pas, en compagnie du jeune Egon Schiele, plus priapique encore, aux plaisirs de la chère et de la chair…

Le Baiser est l’aboutissement de Klimt en matière d’art, il y aura un avant et un après, et on est reconnaissant à Alain Vircondelet d’avoir su rendre ce cheminement aussi palpitant.

 

 

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