Gabriel Guirola Gonzalez est actuellement en résidence d’artiste à Colomiers, penchons-nous d’un peu plus près sur ses trois courts-métrages d’animation qui montrent l’étendue de ses talents en termes de techniques et de thématiques.

La Tatuana 

Récit légendaire où la Tatuana sorcière révérée par les uns pour sa bonté et détestée par les autres pour ses actions maléfiques. Nous sommes au Guatemala au temps de l’Inquisition espagnole, elle sera donc emprisonnée. La seule grâce qu’elle demande à son bourreau est un morceau de charbon afin qu’elle puisse dessiner sur les murs blancs de sa prison…

La sorcière fait peur à l’Inquisition, elle aura donc une prison à sa juste réputation : un donjon à l’architecture expressionniste tout en angles et murs de guingois où le bourreau nous fait la visite jusqu’à la geôle de la malheureuse. Impressionnant aussi le bourreau, grand échalas emmitouflé dans un sac de patates cordelé, doté d’une cagoule crevée de deux yeux noirs aveugles.

 Son du charbon qui crisse sur le mur mais aussi travail sur les voix : chaude pour la narratrice qui nous immerge totalement dans le conte, bienveillante et sage pour l’infortunée prisonnière, d’outre-tombe pour l’Inquisiteur qui en impose.

La fin que l’on ne révèlera pas ici mais dont on se doute de l’issue est un bel hommage à la puissance du dessin, quoi de plus normal pour des marionnettes d’abord créées par un crayon ?

Dormita 

« A partir d’un rêve devenu chanson d’Aluminé Guerrero » nous dit le générique de fin. Narration réduite au strict minimum : Dormita se promène la nuit en pleine forêt qui se réveille avec ses cris d’animaux, loin d’avoir peur elle se love au pied d’un arbre et s’endort paisiblement… Elle ne dormira pas longtemps, une drôle de créature, sorte de renard bariolé, ornée d’une superbe plume en guise de queue qui l’emmène dans une farandole où la forêt s’éveille cette fois au son d’une musique jouée par de drôles zigotos en bois (Aluminé Guerrero et son groupe Les enfants perdus).Dormita elle-même se transformera en une sorte de déesse aztèque ailée, et là aussi Gabriel change de style, oublié les marionnettes, voici le papier découpé qui s’anime en une fantaisie aérienne.

Là aussi le rêve se termine en une jolie pirouette…

Roses de Damas   

Ici minimalisme absolu où l’on suit juste un exilé, silhouette de pierre, traverser la Syrie en guerre sur le ton déclamatoire de Yasmina Touzani, d’après son poème. On passe par toutes les étapes, prospérité où comme partout le capitalisme se déploie et règne en maître, puis destruction, bruits d’avions qui bombardent. Un espoir mort-né avec une rose qui semble vivre dans une ruelle, hélas comme toutes les autres l’exilé la verra mourir comme il a « …vu les roses de Damas flétrir… ». Puis vient une très belle séquence où tous les pétales de roses servent de bateaux aux premiers migrants qui verront hélas la mer devenir leur sanctuaire. C’est aussi l’occasion pour l’exilé de se démultiplier en une infinité de visages pour représenter ces malheureux.

Retour au désert, au motif récurrent des sillons de sable, et soudain nuit noire et déploiement de tentes, signe fatal des camps de migrants qui marque une guerre qui s’éternise.

Mais l’exilé résiste et marche, marche…

Superbe court-métrage qui, en dix minutes et au son d’une la voix impérieuse, expose tout des conflits en général et en particulier, la figure de l’exilé permettant de traverser toutes ces funestes étapes.