La pépite du jour n’a rien de réjouissant. Pas de lecture feel good à l’horizon, mais un roman pour lecteur averti. Et toujours les forêts de Sandrine Colette n’a en effet rien de fluide et de réconfortant. Mais ne vous découragez pas, il vaut sacrément le détour !

 

           Tout comme l’histoire qu’il raconte, l’écriture est hachée, difficile, remplie d’obstacle. Il n’en reste pas moins un roman majestueux et fort par ce qu’il dégage et ce qu’il réussit à provoquer en nous. Primé à plusieurs reprises (Prix RTL, Prix closerie des Lilas, Prix du livre France Bleue / PAGE des libraires), c’est une lecture puissante et nécessaire.

On suit la vie de Corentin, un petit garçon que la vie n’épargne pas : rejeté par sa mère, abandonné par son père, il finit par atterrir chez Augustine, son arrière-grand-mère. Là il découvre l’amour, un amour silencieux mais bien présent. La vie paisible dans les forêts aussi. Lorsqu’il part faire ses études à la Grande Ville, il découvre la fête, l’agitation. Puis un jour : le chaos. Dans lequel seul lui et quelques autres survivent. S’en suit alors la survie, la souffrance au cœur des forêts de son enfance qui ne sont plus. Puis l’instinct humain qui devient animal.

Ce qui nous marque très vite dans le récit, c’est l’étrange correspondance avec ce qui se passe autour de nous. Le changement d’abord imperceptible des mouvements de la nature : il fait un peu plus chaud, les feuilles tombent plus vite, on découvre des animaux venus d’ailleurs autour de chez nous. Et puis vient la dégringolade. Et le monde apocalyptique de Corentin n’est peut-être pas si éloigné du notre tout compte fait. L’an dernier l’Amazonie et l’Australie s’enflammaient, cette année les Etats-Unis. La température globale augmente, le niveau des mers monte.  La nature gronde. Alors, a quand notre tour ? Cette question ne nous lâche plus, la peur est bien présente. Mais la littérature est un exutoire. Vivre cette plus grande peur à travers la lecture de ce roman redonne la force d’affronter la réalité du combat écologique. Parce qu’après tout nous n’y sommes pas encore tout à fait et un monde de tous les possibles s’offre encore à nous.

On ne peut pas nier que ce livre nous met mal à l’aise parce qu’il semble trop proche du réel, de ce qui pourrait bel et bien être notre avenir. Avec Et toujours les forêts, Sandrine Colette signe une dystopie qui nous fait saisir l’urgence du monde. L’histoire est angoissante, oppressante. Mais une fois passée ce moment où l’on est assommé,  où l’on se sent impuissant… Et bien après, c’est à une réflexion plus profonde que l’on tend. Une réflexion inévitable, individuelle et collective sur le monde qui nous entoure. Au fond, c’est un livre un peu politique qui nous crie : bougez-vous !

Si on ne devait choisir qu’un mot pour le décrire ? Intensité. La lecture de ce roman est une expérience en soi. Et même une fois le livre reposé, il vous travaille encore longtemps. Il vous pousse. A réfléchir. A agir. On remet inévitablement en perspective ce que l’on fait de notre vie et la planète que l’on va laisser derrière nous. Car si nous sommes encore loin du monde post-apocalyptique que dépeint Sandrine Colette, cette angoisse lancinante qu’il n’est peut-être pas si loin nous revient sans arrêt. 

 

          Sous ses airs catastrophistes, ce roman magistral doit avant tout être une sonnette d’alarme. C’est ce que sa puissance fictionnelle permet. Mais pour relativiser et positiver après cette lecture vous pouvez vous plonger  dans l’essai de Catherine et Raphaël Larrère : Le pire n’est pas certain (qui sera bientôt disponible à la médiathèque). Cet essai optimiste ne nie pas l’urgence climatique dans laquelle on se trouve. Il rappelle simplement que la catastrophe tant attendue n’est pas encore là. Qu’en se mobilisant, on peut changer la donne. Pour les auteurs, il y a une alternative. Il y en a même de très nombreuses, car ailleurs la catastrophe est déjà arrivée et a déjà donné naissance à des mobilisations politiques et écologiques. 

 

Faites un mélange de Et toujours les forêts et le pire n’est pas certain,  et voilà l’angoisse envolée, l’optimisme retrouvé et surtout l’envie de se bouger pour notre belle planète afin que le scénario de Sandrine Colette n’arrive jamais.

 

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